Ceci est mon voyage
En accompagnement à cette étude, le PNUD a, avec la photographe Lena Mucha, produit une série de portraits célébrant des migrants africains qui se sont adaptés avec succès à leurs pays d’accueil en Europe.
En accompagnement à cette étude, le PNUD a, avec la photographe Lena Mucha, produit une série de portraits célébrant des migrants africains qui se sont adaptés avec succès à leurs pays d’accueil en Europe.
« Mon père trouvait qu’il n’y avait aucune raison pour les filles d’aller à l’école. Il disait que je devais plutôt me préoccuper de l’entretien de la maison et me préparer au mariage. J’ai toujours su qu’il avait tort. Dans ma communauté, les femmes et les filles qui fréquentaient l’école étaient bien mieux loties que celles qui n’y allaient pas. »
Carole, Cameroun
Je n’ai jamais été à l’école. Mon père trouvait qu’il n’y avait aucune raison pour les filles d’aller à l’école. Il disait que je devais plutôt me préoccuper de l’entretien de la maison et me préparer au mariage. Dès mon plus jeune âge, j’ai été le principal soutien de ma famille de huit personnes. J’ai travaillé comme coiffeuse et fait de petits boulots.
Pourtant, j’ai toujours su que mon père avait tort. Je voulais être éduquée. Je savais que si je ne savais ni lire ni écrire, ma place dans la vie n’aurait aucun sens. Dans ma communauté, les femmes et les filles qui fréquentaient l’école étaient bien mieux loties que celles qui n’y allaient pas.
L’idée de quitter mon pays ne m’avait jamais traversé l’esprit. Mais j’ai rencontré des amis qui m’ont encouragée à partir. Ils ont dit que si je partais, je pourrais avoir une vie meilleure. Ils ont dit que je gagnerais beaucoup d’argent comme coiffeuse en Europe et que je pourrais même acquérir d’autres compétences.
Donc j’ai quitté le Cameroun et fini en Algérie, où j’ai passé 2 ans. En Algérie, j’ai eu un petit garçon. Alors qu’il avait à peine 3 mois, je me suis lancée dans le voyage vers l’Europe.
Nous avons passé trois jours à voyager par mer. Il faisait extrêmement froid et nous n’avions pas de gilet, pas de couverture, pas de protection et très peu de nourriture. Je ne conseillerais même pas à mon pire ennemi de faire ce voyage.
Finalement, je suis arrivée en France. Je me plais ici. Mon souhait est d’obtenir mes papiers de travail et de me former à autre chose que la coiffure. Quoi qu’il en soit, je sais que mon fils aura un meilleur avenir que moi.
« Si vous avez une famille, vous devez vous assurer qu’elle a de la nourriture, un abri, des médicaments et une éducation. J’ai une fille. Quand j’ai quitté le Togo, elle n’avait que deux mois. Les gens peuvent se demander quel genre de père je suis, pour laisser ainsi ma femme et ma fille en bas âge. Mais quel genre de père serais-je, si je restais et ne pouvais pas leur donner une vie décente ? »
Yerima, Togo
J’ai vécu avec mes parents jusqu’à l’âge de 18 ans. J’ai travaillé comme chauffeur, mais je gagnais très peu. J’ai donc décidé de partir pour l’Europe. Je suis allé à Dakar où j’ai passé 6 mois, puis en Mauritanie. De là, je suis entré en Europe par la Méditerranée.
Un homme est censé manger trois fois par jour. Si vous avez une famille, vous devez vous assurer qu’elle a de la nourriture, un abri, des médicaments et une éducation. Si vous ne pouvez pas fournir ces produits de première nécessité à votre famille en raison du manque d’opportunités dans votre pays, vous devez essayer de trouver ailleurs.
J’ai une fille. Quand j’ai quitté le Togo, elle n’avait que deux mois. Les gens peuvent se demander quel genre de père je suis, pour laisser ainsi ma femme et ma fille en bas âge. Mais quel genre de père serais-je, si je restais et ne pouvais pas leur donner une vie décente?
Donc, vous abandonnez tout ce que vous avez jamais connu et arrivez dans un pays étranger pour y subir toutes sortes de discriminations et de violations. Les droits mêmes que les organisations internationales sont censées protéger. Mais vous ne pouvez rien y faire, car vous n’êtes pas chez vous.
Beaucoup de nos frères et soeurs ont perdu la vie en essayant de venir ici. Pour quoi? Nous perdons les meilleurs et les plus brillants d’entre nous en mer Méditerranée; à l’esclavage et à l’exploitation; et dans les pays européens où leurs talents sont gaspillés. Comment pouvons-nous dire que l’Afrique est un continent de jeunes et que les jeunes sont l’avenir, alors que nous en perdons autant?
« Au Sénégal, j’avais une vie décente et je dirigeais deux entreprises. Mais en 2008, j’ai pris la décision de voyager. Pas parce que j’avis des ennuis ou des difficultés financières. Je voulais voyager parce que je voulais faire l’expérience d’autres cultures. Je voulais vivre et travailler dans un pays qui n’était pas le mien. »
Aziz, Sénégal
Au Sénégal, j’avais une vie décente et je dirigeais deux entreprises. Mais en 2008, j’ai pris la décision de voyager. Pas parce que j’avis des ennuis ou des difficultés financières. Je voulais voyager parce que je voulais faire l’expérience d’autres cultures. Je voulais vivre et travailler dans un pays qui n’était pas le mien. J’ai toujours vu des étrangers venir au Sénégal mais je ne savais pas à quoi ressemblait leur monde.
Je suis un artiste de cœur et j’aspirais à connaître des expressions artistiques différentes des miennes. Je voulais voir plus, explorer plus et apprendre plus. C’était le motif principal de mon départ.
Maintenant que je suis en Europe, je tire le meilleur parti de ma situation. La foi et l’espoir me permettent de continuer. La foi m’a gardé en vie pendant le voyage, et l’espoir me permet d’envisager un avenir meilleur.
Heureusement, j’ai pu me faire une réputation ici, en jouant et en présentant mes œuvres à un large public. C’est ce que j’ai toujours voulu faire: partager ma culture avec le monde.
La musique est mon évasion. Quand je joue, je suis transporté dans un endroit différent. Je veux que les gens qui écoutent ma musique oublient leurs soucis. Il y a tellement de souffrance dans le monde.
En fin de compte, nous voulons tous les mêmes choses dans la vie : une bonne santé, un emploi décent, la liberté et la chance de trouver des opportunités pour nos familles et pour nous-mêmes. Et comme beaucoup n’ont pas l’impression d’avoir cela en Afrique, ils viennent en Europe. Si j’avais une chose à dire à nos dirigeants africains, c’est que le peuple ne vous appartient pas. Vous appartenez au peuple. Vous devez le respecter et créer des opportunités pour qu’il n’ait pas besoin de risquer sa vie.
« Je ne suis peut-être pas chez moi, mais je me sens chez moi ici. Je passe le plus clair de mon temps à travailler parce que le travail est quelque chose que je prends au sérieux. Je ne prends pas pour acquis que je suis venu ici et ai trouvé un moyen d’obtenir un emploi et de gagner ma vie. »
Miguel, Cameroun
Ma vie au Cameroun n’était pas terrible. J’ai grandi très pauvre et la vie dans le village était difficile. Je ne pouvais pas me permettre d’aller à l’école. Si j’avais eu du travail, je n’aurais pas quitté mon pays. Mais lorsque les choses ne vont pas bien et que vous vous sentez piégé, vous êtes obligé de partir, peu importe le prix. Ce n’est pas une question de choix, c’est une question de survie.
Je suis heureux de ma nouvelle vie en France. J’ai tout ce dont je rêvais : un travail, une maison, une voiture, l’accès aux services publics et sociaux - je suis à l’aise. Je ne suis peut-être pas chez moi, mais je me sens chez moi ici. Je passe le plus clair de mon temps à travailler car pour moi le travail est un luxe et une chose que je prends au sérieux. Je ne prends pas pour acquis que je suis venu ici et ai trouvé un moyen d’obtenir un emploi et de gagner ma vie.
C’est dommage qu’il faille parcourir des milliers de kilomètres pour se rendre dans un autre pays afin d’améliorer sa vie. Je reproche à nos dirigeants la plupart de ces problèmes et si j’avais la chance d’échanger des mots avec eux, il me faudrait probablement une éternité.
C’est en fait très simple: créer des opportunités pour les jeunes. Assurez-vous que nos jeunes vont à l’école et pas dans la rue. Donnez plus d’autonomie à nos filles et à nos femmes. Donnez accès à des services tels que les soins de santé. Nous devrions considérer tous ces besoins fondamentaux comme des droits de l’homme.
Je raconte à ma famille et à mes amis la vérité sur la vie ici. Je leur parle des difficultés d’intégration et de réussite dans cette société. Je pense qu’il est de ma responsabilité d’être honnête à ce sujet, pour qu’ils puissent prendre leurs décisions en connaissance de cause. En même temps, je suis passé par où ils sont maintenant et je sais à quel point on peut se sentir pris au piège.
« Avec mes frères et d’autres migrants, j’ai déjà envoyé assez d’argent chez moi pour construire un petit centre de santé et une école primaire dans mon village. J’envoie aussi mon plus jeune frère à l’université au Mali. Maintenant, les enfants de notre village vont apprendre à lire et à écrire. »
Haya, Mali
Mes deux frères aînés avaient fait le voyage vers l’Espagne et m’ont encouragé à les rejoindre. À 17 ans, je suis parti.
J’avais toujours voulu une éducation, mais mon village n’avait pas d’école et mon père avait besoin de moi à la ferme. e ne savais même pas comment trouver l’Espagne sur une carte. Mais j’ai fait mon chemin.
Quand je suis arrivé en Espagne, j’ai vécu dans un centre pour mineurs où un professeur venait tous les jours. J’ai d’abord appris l’alphabet, puis à lire et à écrire. Comment expliquer que cela a changé ma vie ? Je ne me sentais plus perdu.
Le centre a été mon domicile pendant trois ans et j’adorais : j’avais de la nourriture, des vêtements, un logement, de l’éducation. Mais l’Espagne traversait une grave crise économique et il m’était impossible de trouver du travail. Après trois ans de chômage, j’ai perdu mon statut légal.
J’ai dormi sur des canapés, avec mes frères, avec des amis. J’ai ramassé des myrtilles, des framboises et des oranges. Comme je n’avais aucun document, j’étais souvent exploité - parfois, l’employeur ne voulait tout simplement pas me payer.
Maintenant, je continue de cueillir des fruits, mais cette fois légalement, avec des droits. Je suis les récoltes. Malheureusement, plus je bouge, moins je peux étudier.
Si je pouvais réaliser mes rêves, je resterais au même endroit et recevrais une éducation appropriée, intégrerais mieux la société espagnole et créerais une petite entreprise. Ensuite, une fois que j’aurais assez d’argent, je retournerais au Mali. Je partagerais les techniques agricoles que j’ai apprises pour gérer les cultures d’une manière qui ne dépend pas uniquement de la météo. Et je dirais aux jeunes que ce qu’ils recherchent en Europe, nous pouvons le construire ensemble en Afrique.
Avec mes frères et d’autres migrants, j’ai déjà envoyé assez d’argent chez moi pour construire un petit centre de santé et une école primaire dans mon village. J’envoie aussi mon plus jeune frère à l’université au Mali. Maintenant, les enfants de notre village vont apprendre à lire et à écrire.
« Cela fait presque 20 ans que je suis arrivée en Europe et j’ai vécu un enfer. Il y avait des jours où nous étions sans abri avec rien à manger. Mais mes filles sont ma plus grande bénédiction. Ces jours-ci, je prends des cours pour poursuivre mes études. Je veux protéger les filles qui risquent d’être victimes de trafic. Je veux aussi me battre pour les droits des migrants. »
Vivian, Nigeria
Mes parents ont décidé de m’envoyer chez ma tante en Espagne pour trouver du travail. Je suis arrivée en Espagne et j’ai passé un mois dans un camp de réfugiés avant d’obtenir la résidence et un permis de travail.
Ma tante et son mari sont venus me chercher à la gare de Madrid, et m’ont demandé de leur remettre tous mes documents. J’ai vite appris la vérité : ma tante et son mari dirigeaient un réseau de trafic sexuel et forçaient de jeunes filles africaines vulnérables à travailler comme prostituées.
Jamais je n’aurais imaginé qu’une personne auquelle mes parents faisaient confiance serait impliquée dans un trafic. Je refusais les clients et ne gagnais presque pas d’argent. Ma tante a décidé qu’elle ne pouvais pas me garder. Nous avons convenu que j’irais à Valence et trouverais du travail pour rembourser l’argent du voyage en Espagne - un total de 20 000 $.
À Valence, je suis allée dans une maison qu’elle avait recommandée - seulement pour découvrir que les filles qui y vivaient étaient toutes des travailleuses du sexe travaillant pour ma tante. Je savais que ce n’était pas une vie pour moi, mais je n’avais pas le choix: sans mes papiers, je ne pourrais pas postuler à des emplois formels.
Après quelques mois, j’ai rencontré un homme qui voulait m’aider. Il m’a aidée à rembourser ma dette jusqu’à ce que j’aie entièrement repayé ma tante. Après cela, j’ai coupé tout lien avec elle.
J’ai eu ma première fille en 2003 et ma deuxième sept ans plus tard. Mon partenaire et moi nous sommes séparés.
Cela fait presque 20 ans que je suis arrivée en Europe et j’ai vécu un enfer. Il y avait des jours où nous étions sans abri avec rien à manger. Mais mes filles sont ma plus grande bénédiction.
Ces jours-ci, je prends des cours pour poursuivre mes études. Je veux protéger les filles qui risquent d’être victimes de trafic. Je veux aussi me battre pour les droits des migrants.
« Je suis en France depuis deux ans maintenant. J’ai une petite communauté d’amis, principalement d’Afrique, mais aussi français. Je me sens parfois très seul ici. Je ne pensais pas que ce serait si difficile de s’intégrer dans la société française. »
Kone, Côte d’Ivoire
Je voulais une vie où je pourrais gagner ma vie et soutenir ma mère et mes frères et soeurs. Je trouvais triste que mon pays n’offre pas à des jeunes comme moi la promesse d’un avenir meilleur, et j’étais déterminé à prendre les choses en main.
Je suis en France depuis deux ans maintenant. J’ai une petite communauté d’amis, principalement d’Afrique, mais aussi français. Je me sens parfois très seul ici. Je ne pensais pas que ce serait si difficile de s’intégrer dans la société française.
Quand vous entendez parler de l’Europe, vous pensez qu’il y a plein d’opportunités. Il y en a, mais elles ne sont pas immédiatement disponibles lorsque vous entrez dans le pays comme je l’ai fait. Vous n’êtes pas traité comme un citoyen. Avant de pouvoir mener une vie normale, de nombreux obstacles vous attendent.
À mon arrivée, j’ai passé du temps dans un refuge. J’ai eu des problèmes, j’ai été arrêté et passé du temps en prison. J’ai eu du mal à me débrouiller. Mais finalement, j’ai pu obtenir mon permis de séjour.
Ma mère me manque beaucoup. Je l’appelle souvent. Je lui raconte ma vie ici en France. Je lui dis que tout va bien même quand ce n’est pas le cas.
J’ai toujours rêvé de devenir footballeur comme Yaya Touré. Il est ivoirien aussi. J’admire son parcours, comment il est devenu footballeur. Mais je sais qu’il est difficile de devenir une star du football, alors je mets mon énergie dans quelque chose de plus réalisable. Je m’entraîne dans un restaurant parce que j’aime cuisiner. Mon souhait est d’ouvrir un restaurant un jour. Je ne sais pas trop comment je l’appellerais - peut-être Chez Koné. Mais ce que je sais, c’est qu’on y servira de la nourriture africaine.
« Je n’ai pas beaucoup à me plaindre de ma vie ici. Parfois je me sens acceptée, d’autres fois je me sens comme une étrangère. Le plus difficile pour moi est de réussir à m’intégrer pleinement dans la société italienne. Mais toutes ces difficultés ne sont que passagères. La vie me destine à de plus grandes choses. Et je sais que je réaliserai mes rêves. »
Helen, Nigeria
Rester en Afrique revenait à se marier à un jeune âge, ou tomber enceinte à un jeune âge. Les deux auraient brisé mes rêves. Je ne voualis pas perdre mon potentiel.
Je me suis rendue en Europe via la Libye. J’ai passé un anen Libye à travailler en tant que femme de ménage pour une merveilleuse famille espagnole. Ils m’ont traitée comme leur fille. Un conflit a éclaté en Libye et la famille a dû partir pour l’Espagne. Ils m’ont demandé de les accompagner, mais je n’ai pas pu partir car je n’avais pas assez de temps pour obtenir un passeport. Ils sont partis et ont promis de tout faire pour que je les rejoigne en Espagne.
Je n’ai pas attendu leur invitation. J’ai pris sur moi et trouvé mon chemin vers l’Italie. Je suis arrivée en 2014 et j’essaie toujours de me frayer un chemin. Je ne me plains pas d’être ici. Parfois, je me sens acceptée et d’autres fois, je me sens étrangère. Les principaux problèmes que je rencontre sont les obstacles à l’intégration dans la société italienne, en particulier la langue, si vous souhaitez étudier ou postuler à un emploi. Heureusement, j’ai pu trouver un emploi de secrétaire dans un organisme gouvernemental. Je chante et j’écris, et je suis aussi bénévole au centre pour réfugiés en tant que directrice de chorale. Je suis coiffeuse occasionnellement pour gagner de l’argent supplémentaire.
Mais toutes ces situations sont temporaires. Je veux poursuivre mes études et construire ma carrière professionnelle. J’ai envisagé d’explorer d’autres pays, tels que l’Allemagne, la Suède ou le Canada, qui pourraient offrir de meilleures opportunités. Je suis destinée à de grandes choses dans ma vie. Et je sais que je réaliserai mes rêves.